Je n’avais pas le vertige. Heureusement. Je pouvais laisser mes jambes se balancer dans le vide. J’aurais pu tomber à n’importe quel moment. Quelqu’un serait venu par derrière et m’aurait poussée, tout simplement. Mais cela ne m’empêchait pas de rester assise sur le rebord du toit. Cet accès était interdit aux élèves. Et c’est vrai que c’était un endroit dangereux. Il n’y avait aucun grillage pour éviter les accidents ni rien. Si quelqu’un voulait mettre fin à ses jours, c’était le bon endroit. Il n’y avait jamais beaucoup de monde, donc personne pour vous empêcher de vous ôter la vie. D’ailleurs, cela devait arriver assez souvent qu’une personne se suicide dans ce pensionnat. Ce ne serait pas surprenant quand on voit tous ces gens désespérés. Je lâchai un soupir et sortit un livre de mon sac. J’avais eu de la chance qu’une bibliothèque – un espace particulièrement vase et rempli de bouquins en tout genre – existe. Les livres permettaient à quitter le monde réel. Du moins, c’est ce que je ressentais. Pour certains, lire est une corvée de haut rang. Après tout, chacun ses goûts. Les écouteurs dans les oreilles, j’entrepris tranquillement ma lecture.

Et voilà, j’étais partie. Mon corps était toujours là, mais mon esprit quitta l’endroit. Il était partit à la rencontre de chevaliers, dragons et princesses. Bien que l’histoire fût passionnante, l’héroïne principale me tapa vite fait sur le système. Ce qu’elle pouvait être niaise ! J’inspirai un grand coup et relâchai toute l’air. Arrivée au troisième chapitre, je fermai le livre en le claquant et maladroite que je suis, je lâchai le livre qui fit une chute de plusieurs mètres. Je voulus me pencher pour voir où est-ce qu’il avait atterri mais me remis assez vite droite. Je ne voulais pas y passer aussi.

« PUUUT… »

Je ne finis pas  mon mot, aucune raison d’être vulgaire. Non, ce n’était pas pour ça que je m’étais arrêtée. Un bruit était survenu derrière. Je me relevai et examinai le toit. Une petite boule rose sauta partout. Je fronçai les sourcils avant de me demander « c’est quoi ça ? ». J’essayai de l’attraper mais j’en fus incapable. Ne pas s’énerver, ne pas s’énerver, ne pas s’éner…

« ‘Fait chier ! Tout est fait pour me les péter sévère ici ! »

Je regardai la chose rose rebondir encore et encore, j’avais bien envie qu’elle aille rejoindre mon livre en bas au lieu de me narguer comme ça. Je croisai les bras et restai planter la comme une idiote. Que faire d’autre ? J’aurais pu certes, descendre aller chercher le livre que j’ai fait accidentellement tombé mais la flemme s’installa en moi et cette chose me déstabilisait. Et puis l’héroïne était vraiment énervante, j’espérais qu’elle aurait crevé dans la chute. Même si cela était techniquement impossible. J’augmentai le son du baladeur pour mettre la musique à fond et recommençai à essayer d’attraper la boule sauteuse. J’étais réellement curieuse de savoir ce que c’était. En espérant que cela ne soit pas juste une balle hyper rebondissante…

Il y a des endroits comme ça que l'on préférés à d'autres pour une raison précise ou juste par un simple coup de tête, pour une raison à la quelle on n'y a jamais réfléchi mais vous continuez tout de même à venir...parce que oui, finalement dans cet endroit vous estimez que vous vous sentez bien et que vous pouvez être tranquille au moins quelques minutes. Matthew, lui, il avait cet endroit, le toit, oui ce n'est certes pas très charmant "un toit" mais voila, vous pouvez tout voir depuis un endroit sur-élevé et il n'y avait quasiment personne pour venir vous embêter et c'était ces deux facteurs là qui faisaient qu'il aimait tant ce lieu. Il adorait venir se poser sur le toit dans ses moments de pause, son carnet et ses crayons en mains il gribouillait tout ce qui lui passait par la tête et bien qu'en général cela ne ressemblait pas à grand chose dans ses premiers crayonnés, le soir, il s'installait tranquillement dans un coin de sa chambre et il venait peaufiner le tout pour que cela prenne la forme de ce qu'il voulait.

Aujourd'hui encore il s'était posé tranquillement sur le toit mais cette fois-ci il n'avait ni ses crayons ni son carnet, il était juste venu pour se poser au calme et pouvoir peut-être dormir un peu avant de retourner en salle de classe en étant en pleine forme. N'allez pas cependant commencer à croire que Matthew est un élève hyper studieux et tout ce qu'il y a de plus sérieux...certes, il n'a pas de mauvaises notes et n'est pas considéré comme un cancre mais disons qu'il passe la majeur partie du temps à rêvasser et à faire des dessins dans les coins de ses feuilles plutôt qu'a travaillé sérieusement alors oubliez tout de suite qu'il est studieux...Tout de suite !

Commençant tranquillement à piquer un somme, il entendit une voix féminine qui semblait bien partie pour balancer une injure à haute voix avant de se faire couper la parole par un bruit incessant et surtout...agaçant. Vous savez, ce bruit constant et répétitif que fait une balle lorsqu'elle rebondit contre le sol, eh bien, là, c'était ce bruit. Et lorsqu'on essaie de faire la sieste tranquillement, qui aimerait se faire enquiquiner par le bruit d'une balle rebondissante ? A moins d'être le genre de personne qui arrive à dormir même en étant entre une piste de décollage et des rails de TGV, personne ne voudrait. Il se redressa alors en grognant et en cherchant du regard l'origine de tout ce vacarme. Il n'eut pas à chercher bien longtemps car bien vite il tomba sur la vision d'une fille à couettes et d'un balle rebondissante...rose. Il se dirigea alors vers la fille en arborant sa fameuse tête des mauvais jours qui avait plutôt tendance à faire peur...parce que oui des cheveux mal coiffés, une tête de déterré en colère le tout orné d'un cache oeil, ça peut effectivement faire peur...

«Tu peux pas arrêter ce bordel ou alors allez le foutre ailleurs ? J'essaie d'être tranquille là...»

L'amabilité incarnée...oui, c'était exactement ça, tu devais être la personne la plus aimable au monde actuellement. Parce que aborder quelqu'un en disant ça et surtout en l'accusant d'être la cause de tout ce vacarme, c'était très..sympathique. Et puis surtout qu'en regardant bien la scène, cela se voyait bien que la jeune demoiselle n'y pouvait rien...mais Matthew avait comment dire...une folle envie de faire semblant de ne pas avoir remarquer ce détail car après tout il était de mauvaise humeur...
 

Pendant que je tentais d’attraper cet objet rebondissant particulièrement agaçant, une autre chose particulièrement agaçante vint me déranger. Que dis-je, « chose », ce n’est pas gentil. C’était quelqu’un. Un mec, avec une tête d’enterrement, ou de gars venant juste de réveiller, des cheveux rouges décoiffés et un cache-œil. Une quelconque mode ? Si c’était le cas, je trouvais ça ridicule. De plus, cet inconnu avait osé m’engueuler, enfin, plus ou moins. Je retirai un écouteur et lâchai un long soupir d’agacement. Il avait bien choisi son jour celui-là. Et puis comme si c’était moi, la cause de ce bordel !

« Tu veux être tranquille ? Attrape cet objet au lieu d’être désagréable ! Ou va dormir ailleurs. Mais ne me fais pas chier ! »

Puis, je lui tournai le dos et m’apprêtai à retourner à mes activités. Mais, comme tout le monde était contre moi aujourd’hui, je ne pus pas. Un deuxième individu, avec des cheveux noirs, rentra en scène et balançai un livre à mes pieds. Le livre que j’avais fait tomber ? Si c’était bien ça, je n’avais plus besoin de descendre pour aller le récupérer. Je me baissai pour attraper le livre. Attendez… Un livre de poneys ? Qui lisait ce genre de livre sérieusement ?

« J’ai bien fait tomber un livre, pas dans le but de t’attaquer, mais ce n’était pas ce livre. »

Comment cet inconnu a pu penser un instant que ce livre pouvait m’appartenir ? Je me sentais profondément vexée mais je n’en fis pas mine. Puis le mot « attaquer » me revint en tête. Ça voulait dire que le livre provenait sûrement bien du toit. Sinon pourquoi cet inconnu bizarre serait là ? Je me tournai vers le garçon aux cheveux rouges avec, malgré moi, un petit sourire au coin.

« Cela serait-il à toi ? »

hrp:

Une drôle de "réunion" si l'on pouvait dire ça comme ça...Une fille à couettes, un brun dont l'entrée laissé réellement à désirer et notre rouquin de mauvaise humeur. D'ailleurs, le brun venait de ramener quelque chose de plutôt...intéressant, enfin, intéressant, c'était du vite dit. Après tout, qui trouvait intéressant un livre de poneys ? Oui, vous avez bien lu "un livre de poney", vous savez, ces petits animaux complètement virés en chose niaise dans ce type de bouquin, on se retrouve avec un poney rose à crinière bleue avec un tatouage sur les fesses, des ailes dans le dos et une corne sur le crâne le tout bien orné d'un joli nom qui n'a strictement aucune signification intelligente et qui ne fait qu'accentuer la niaiserie de la chose. Bref, un livre de poneys quoi...Mais, bizarrement ça collait bien à l'image de la miss à couettes qui s'était énervée deux secondes plus tôt contre Matthew, même si, il fallait le dire, il l'avait bien cherché. Mais il l'avait complètement ignorée, il l'avait juste regardée avant de se tourner vers le brun qui venait de débarquer, rien de plus.

La jeune femme, après avoir annoncer qu'elle n'était pas la merveilleuse propriétaire de ce livre se tourna avec un sourire en coin vers le borgne. Elle pensait réellement que ça, ce truc, c'était à lui ? Elle voulait se lancer dans les one-man show ou quoi ? Il lâcha un soupir, sans même froncer un sourcil ou autre, mettant ses mains dans les poches.

«Arrête de sourire bêtement, tu vas chopper des rides. Et puis ne me confonds pas avec un gamine, merci, je suis juste venu sur le toit pour dormir et trouver de l'inspiration, rien d'autre.»

Il s'avança alors vers le truc rose qui n'avait cesser de rebondir depuis tout à l'heure. Boing, boing, boing...Que c'était agaçant ce même bruit constamment. Il fit alors une simple tentative (chargée de motivation) pour l'attraper sans grand succès. Il regarda par la suite la jeune fille à couettes.

«Eh la Miss à couettes c'est à toi ça ? Parce que ça m'étonnerait que ça soit à l'autre type bien flippant et son livre de poneys... »

Oui, il l'avait bien défini de flippant, enfin, il fallait dire ce qu'il était, ce gars était sombre, très sombre, ses yeux jaunes, ses cheveux noirs, ses fringues noires et...jaunes. Bref, la grande joie. D'ailleurs, c'était limite si l'on ne pouvait pas se demander si il n'était pas venu sur le toit pour sauter en plus d'être venu pour rendre, d'une manière très agréable, le livre de poneys... 

HRP: